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lundi 4 février 2013

La spécificité de la vision spirituelle en Islam chi’ite, et plus particulièrement dans son mouvement ismaélien par Dr Rahmatoullah, Président de la Société d'Etudes Ismaéliennes de France Les chemins des doctrines religieuses sont comme des lignes parallèles, qui tout en cheminant dans la même direction, ne se rencontrent jamais. Les chemins d’intériorisation spirituelle sont comme des rayons d’un cercle, qui tous en partant des différents points de la circonférence du cercle, convergent vers le même centre du cercle. Nasir Khosraw présente les différentes manifestations de la Révélation divine, dans le temps et dans l’espace, comme des expressions dans le langage culturel, social et historique de chaque peuple et de chaque époque, de la même Vérité unique. Les doctrines, les lois, les normes, les pratiques et les rituels qui se développent de chaque manifestation de la Révélation, que les musulmans appellent sharia, sont autant des points différents sur la circonférence du cercle. La Vérité absolue de toute Révélation divine ne peut être que la même, et cette Vérité absolue que les musulmans appellent haqiqat est représentée par l’unique centre du cercle. Les différents rayons du cercle représentent les différents chemins d’intériorisation spirituelle, que les musulmans appellent tarîqat, qui amènent chaque adepte de sa propre sharia historique vers la Vérité absolue et unique de haqiqat. Cette vision spirituelle n’est pas limitée à l’Islam chi’ite ismaélien. Elle se trouve également chez des soufis musulmans, aussi bien sunnites que chi’ites, ainsi que chez certains mystiques chrétiens et juifs, mais aussi chez quelques sages d’autres grandes religions du monde. De notre temps, Mahatma Gandhi, en s’appuyant sur la sagesse védique, a exprimé la même vision spirituelle de Nasir Khosrow, en utilisant la même métaphore du cercle. Qu’y-a-t-il de spécifique dans la vision spirituel en Islam chi’ite ? Les chi’ites sont des partisans d’Ali, gendre du Prophète Muhammad, qui le considèrent comme le successeur désigné du Prophète, aussi bien comme Guide religieuse que comme Chef de la Cité. Mais Ali lui-même n’a pas contesté la nomination des trois Califes avant lui, en se concentrant sur son œuvre d’orientation religieuse de ses disciples. En tant que sage de l’Islam, et son 4ème Calife, Imam Ali est vénéré aussi bien par les sunnites que par les chi’ites : Nahj ul-Balagha ; Qal Tarana ; Royaume du Maroc. L’Islam chi’ite prend forme avec la réclamation de Hasan et Husayn au Califat laissé vide par leur père, Imam Ali, assassiné dans une mosquée. Il se concrétise par le massacre de Husayn et ses partisans, par Yazid, à Karbala, Pour les chi’ites, le combat de Imam Husayn contre Yazid est la suite du combat d’Imam Ali contre Muawiya, père de Yazid ; et du combat de Prophète Muhammad contre Abu Sufiyan, père de Muawiya. Pour les chi’ites, l’orientation religieuse de la communauté musulmane doit être nécessairement dirigée par un descendant du foyer immédiat du Prophète Muhammad (ahl al-bayt). Ce foyer est composé du Prophète, sa fille Fatima, son gendre Ali et ses deux petits enfants Hasan et Husayn. Pour la plupart des chi’ites, la succession à la fonction du Guide religieux (Imam) de la Communauté musulmane (umma), doit être en ligne directe, de père à fils. Notons que le mot imam est aussi utilisé dans d’autres sens : dirigeant de la prière à la mosquée ; chef d’école juridique, théologique ou philosophique, chef d’Etat. Rappelons que les cinq figures du foyer du Prophète sont aussi vénérées aussi par les sunnites : inscriptions dans les mosquées, œuvres d’art. Ainsi l’Islam chi’ite s’est développé à Médine, ville du Prophète, autour des trois descendants directs de l’Imam Husayn, de père à fils : Zayn al-l Abidin, Muhammad al-Baqir, et Jafar al-Sadiq. Ces Imams chi’ites, à l’instar de leur aïeul, Imam Ali, n’ont pas contesté les Califes de leur époque : Umayyades à Damas, et Abbasides à Bagdad, malgré leurs harcèlements Et comme Imam Ali, ils ont continué l’orientation religieuse de leurs disciples.qui n’était pas forcément tous chi’ites : Jabir ibn Hayan ; Abu Hanifa. Rappelons que la quasi-totalité des confréries soufies sunnites tracent leurs lignées, de maître à disciple, à travers Imam Jafar al-Sadiq, si ce n’est pas à travers l’Imam Ali. La vision spirituelle de l’Islam chi’ite, établi à Médine, était axé sur l’intériorisation spirituelle et, et le recul devant le matérialisme impérial des dynasties établies à Damas et à Bagdad ; ce qui nous rappelle l’orientation spirituelle du Prophète Muhammad à Médine, face au matérialisme tribal de la Mecque d’Abu Sufiyan. Pour la plupart des chi’ites de cette époque, la compréhension et la pratique du sens profond (haqiqat) de la Religion (Din) ne les dispensait pas de leur devoir d’observer les injonctions rituels, juridiques et sociales (sharia) de leur École religieuse (madhab). Ce qui implique une nécessaire mise à jour permanente de la shariat, en fonction de l’évolution de la société musulmane dans le temps et dans l’espace ; Cette mise à jour permanente est la fonction primaire de leur Guide religieux (Imam). C’est cela la spécificité de la vision spirituel en Islam chi’ite. Sans cette tradition de modernisation permanente, la Communauté musulmane (umma) est forcée de tomber en arrière, avec ses deux conséquences néfastes : la bigoterie religieuse et l’abandon de la religion. Mais pour une minorité des chi’ites de cette époque, regroupés autour d’Isma’il, fils ainé de Jafar al-Sadiq, la compréhension et la pratique du sens profond de la Religion leur dispensait de l’observation, dans leur vie privée, des injonctions rituels, juridiques et sociales de leur Ecole religieuse, car elles sont devenues sans objet. La pratique de leur shariat, mise à jour par leur Imam, était pourtant nécessaire en public, pour conserver son autorité envers ceux qui n’ont pas encore compris le sens profond de la Religion, ni appris à le pratiquer. C’est cela la première spécificité de la vision spirituelle du mouvement ismaélien. Selon la tradition ismaélienne, pour protéger Isma’il contre les soldats du Calife abbaside, Jafar al-Sadiq a expédié Isma’il à Salamia en Syrie, en feignant qu’il était décédé. Après le décès de Jafar al-Sadiq, les chi’ites de Médine ont pris Musa Qasim, son deuxième fils, comme Imam, et ont poursuivi leur lignée, de père à fils, jusqu’à son extinction, en Iran, avec leur douzième imam. Les chi’ites à Salamia, autour de Isma’il, leur septième imam, désignaient leur mouvement comme ésotérique (batinya). Ce sont les historiens qui les ont appelés ismaéliens ou septimaniens, pour les distingués des autres chi’ites appelés duodécimains. Le mouvement ismaélien historique a fleuri en Syrie, pendant cinq générations, notamment avec la rédaction encyclopédique d’Ikhwan al-Safa. Une deuxième spécificité de la vision spirituelle du mouvement ismaélien, c’est que, comme pour les individus, la Cité doit aussi être gouvernée par une compréhension et la pratique du sens profond de la Religion (haqiqat), C'est-à-dire par des ésotériques (batini), comme au temps du Prophète Muhammad, et au temps d’Imam Ali ; et non pas par des rois, ni par des élus, Cela a donné naissance au mouvement ismaélien pour la Régence de Vérité (Khalifat al-Haq), qui a aboutit à la fondation du Califat fatimide, nommé après Fatima, fille du Prophète. Les Imams ismaéliens, venant de Syrie, sont allés de Sijalmas (Maroc) à Kairouan (Tunisie), et de Mahdia (Tunisie) au Caire (Egypte). Ils ont fondé la ville du Caire, l’Université d’Al-Azhar; ainsi qu’une énorme bibliothèque, et la Maison de Sagesse (Dar al-Hikma). Après la chute du Califat fatimide, le mouvement ismaélien nizarite s’est réfugié dans les château-forts à Masyaf en Syrie, et notamment à Alamut en Iran. Là on trouve la troisième spécificité de la vision spirituelle du mouvement ismaélien. Les individus ésotériques (batini) peuvent se regrouper pour vivre dans des sociétés ésotériques, coupées du reste du monde, tout en œuvrant pour la spiritualisation du reste de l’humanité. Ces sociétés étant composées exclusivement des ésotériques, et étant coupées du reste du monde, il n’y a plus lieu de pratiquer, même en public, les injonctions rituels, juridiques et social (shariat). Chaque ésotérique gouverne sa conduite, par sa propre foi ; et il s’adapte lui-même au changement du temps et d’espace, en permanence, par son propre intelligence. La gouvernance de la société est réduite à son strict minimum. La Résurrection des résurrections (Qiyamat al-qiyamat) prononcée par Imam Hasan ‘Ala Dhikrihi’l-Salam à Alamut, fut une tentative, certes prématurée, de réalisation sur terre du paradis utopique d’une société spirituelle constituée des individus spirituels. www.grandorientarabe.org/ le 03/02/2013

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